"Otsoa“ : le loup, bonne ou mauvaise réputation (Elgar N° 606 Mars/Avril 2021)

En euskara, le loup se dit "otsoa". Curieusement le nom de ce canidé, qui bien que pourchassé et traqué, occupe toujours une bonne place dans la chaîne des Pyrénées, les montagnes basques et en Hegoalde, est devenu un nom propre très respecté mais a aussi servi à former de nombreux noms communs évoquant la sauvagerie ou des plantes aux effets néfastes.

Toujours présent aussi bien en Iparralde qu'en Hegoalde, le nom propre "Otsoa" ou "Otxoa" est encore très répandu et a même traversé les mers en suivant l'émigration basque. Ainsi, le célèbre guitariste, chanteur et compositeur cubain, Eliades Ochoa, mondialement connu pour avoir participé au collectif "Buena Vista Social Club" ne peut pas cacher les origines basques de sa famille.

"Otso" ou "otsoa" est aussi utilisé dans les noms de famille comme "Otsobi" ou "Otsibar". Il apparaît aussi fréquemment dans la toponymie, comme le mont souletin "Otsogorrigagna" (1923 mètres) près de Larrau. Littéralement, son nom évoque une hauteur ou un point élevé ("gaina" en basque) et un loup rouge (de "gorria" rouge). A proximité, on trouve aussi le mont "Otsogorritchipia" (1794 mètres) qui, logiquement, est plus "petit" que son voisin ("tchipia" est la prononciation locale de "ttipia", petit).

"Otsoa" est aussi présent dans les noms des fameuses grottes pariétales d'isturitz et d'Oxocelhaya (de "otsoa", et de "zelaia", la plaine).

Le nom propre "Otsoa" est aussi resté attaché historiquement au lignage des ducs de Vasconie, depuis Loup 1er, dont la vie est très peu connue, si ce n'est qu'il est le premier duc de Vasconie (670-688).

Coté noms communs, le loup est beaucoup moins gâté. L'hellébore se dit en basque "otsobelar" (de "belarra", l'herbe). Rappelons que cette "herbe aux loups", contient sous sa forme blanche (veratrum album) plusieurs alcaloïdes toxiques susceptibles de ralentir le coeur (bradycardie) voire d'entraîner la mort. L'hellébore noir (helleborusniger, aussi connu sous le nom de "rose de Noël") est aussi très toxique est associé à la magie noire.

Plus poétique, rappelons que le mois de février se dit en basque "otsaila" (le mois des loups), peut-être en référence à une époque hivernale où les loups osaient plus sortir des forêts pour chercher de la nourriture ? Enfin, il faut se souvenir qu'en basque, le brochet se dit "urotsoa" (de "usa", l'eau). Une référence à la ténacité ou un hommage au grand prédateur ?

 

Jean-Baptiste Heguy