"Sasi“ : un buisson bien pratique (Elgar N° 613 Mai/Juin 2022)

 

En euskara, le mot "sasi", désigne le buisson, le fourré ou la ronce.

Selon le linguiste Michel Morvan, ce terme serait à rapprocher de l'estonien "sasi" (broussaille, enchevêtrement) ou du sarde "sazu" (épine). Sur cette base, plusieurs mots basques très poétiques ont été formés : 

Le chèvrefeuille se dit ainsi en basque "sasiama", littéralement, "la mère des fourrés" ( de "ama", la mère). Certainement une référence au fait que le chèvrefeuille est une plante grimpante et volubile qui se développe très rapidement.

La bétoine, plante vivace et officinale, est appelée en basque, "sasibelar", c'est-à-dire "l'herbe des fourrés". Pour information, symboliquement la bétonne aurait depuis des siècles la faculté de protéger du "mauvais oeil". Plus scientifiquement, la bétonne contient de nombreux principes actifs, dont la bétaïne, très connue des fêtards our ses propriétés digestives.

En euskara, le "guérisseur" est appelé "sasimediku", c'est-à-dire littéralement, "médecin des fourrés".

Plus rude mais en même temps poétique, le bâtard se dit en basque, "sasikume", littéralement "l'enfant des fourrés" (de "umea", l'enfant). Une référence directe aux nombresux accouchements qui, à une époque, ont dû se faire en secret, quand les naissances hors mariage survenaient.

De même le maquisard est appelé en basque "sasitar", c'est-à-dire "l'habitant des fourrés".

Enfin le mot "sasi" est aussi présent dans une expression commune : "sasitik herrera", qui signifie "de plus en plus mal, de pis en pis".

Dans cette expression, "berroa" désigne "la ronce, le buisson" et exprime la situation difficile où une personne qui se sort d'une passe difficile (symboliquement les ronces, les fourrés) retombe en fait dans cette situation encore plus malaisée et plus inextricable.

 

Jean-Baptiste Heguy