"Nekazari", le difficile labeur du paysan. Elgar N° 630 Mars/Avril 2025

 L'origine de certains mots basques peut être vraiment mystérieuse et ancienne. En euskara, le mot "nekazari", désigne l'agriculteur, le fermier ou le paysan. ce mot vient de la racine "neke, nekea", qui signifie selon ses différents sens : "fatigue, lassitude, abattement". ou "travail, effort, difficulté". En Iparralde, il est utilisé comme adjectif et signifie "fatigant, âpre ou lassant". Le terme "neketsu" est aussi utilisé plus globalement comme adjectif (avec le suffixe -tsu, marque courante de l'adjectif) et signifie "fatigant, laborieux, pénible. le mot "nekez" est la forme adverbiale et signifie donc en français : "laborieusement, avec grande difficulté, à grand-peine".

La connotation de pénibilité du terme "neke" est donc très fortement attestée en basque et à première vue, avec son "k" central, on pourrait croire que le mot est purement d'origine basque. Erreur ! "Neke", vient en fait du latin "nek, necis" qui désigne la mort et est issu de la racine indo-européenne "nez", de même sens. C'st dire si le sens originel du mot a quelque peu glissé au fur et à mesure de ses cheminements linguistiques. A noter d'ailleurs que "nek" a donné en grec ancien, la racine "nekros", qu'on retrouve dans les mots français : nécromancie, nécrophage, nécrose, nécrologie, nécrophilie etc...

La racine latine "nex", est d'ailleurs présente dans l'adage latin "Vulnerant omnes, ultime necat" ("Toutes les heures blessent, la dernière tue") que l'on retrouve souvent inscrite sur les cadrans solaires. Au Pays Basque, c'est sur le clocher de l'église Saint-Martin de Sare (Mattin Deunaren Eliza) que l'on trouve une inscription similaire : "Oren guziek date gizona kolpatzen, azkenekoak du habitat egortzen" (Toites les heures blessent l'homme, la dernière l'envoie au tombeau).

 

 

Jean-Baptiste Heguy