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 "Katua“ : un chat bien utile (Elgar N° 604 Octobre/Novembre 2020)

 En euskara, le mur se dit "horma" (avec un a organique). Mais en euskara, le chat se dit "katua" ou "gatua" avec une racine latine tardive (cattus ou gattus) qui a remplacé le mot "feles" (qui a donné "félin" en français). Cette racine est uniformément répandue dans plusieurs langues : en anglais ("cat"), en allemand ("katz"), en italien ("gatto") et même en russe ("pot").

Mais le basque a adapté cette racine pour la décliner sur des mots logiques de la même famille : "katakume", le chaton (de "ume", enfant) ou "basakatua", le chat sauvage (de "basa", sauvage).

Mais comme toujours en basque, cette racine a aussi été utilisée de manière beaucoup plus imagée. Ainsi le mot "katagorria", désigne l'écureuil et pourrait donc se traduire littéralement par "chat rouge" (de "gorria", rouge). De même, le mot "katamotza", désigne le lynx et signifie littéralement "chat coupé" (de "moztu", couper).

Une jolie allusion sans doute à la queue très courte du félin, ou à sa corpulence râblée ! 

Jean-Baptiste Heguy

 "Harria“ : la pierre fondatrice (Elgar N° 605 Janvier/Février 2021)

 En euskara, le mot "harria" désigne la pierre.

La pierre précieuse se dit "harribizia" (littéralement : pierre vivante, peut-être en référence aux éclats lumineux qu'une pierre précieuse renvoie).

Parallèlement, le mot "hargina" désigne le carrier, le tailleur de pierre ou le maçon (de "egin", faire).

 De même "harrespil", désigne un cromlech ou cercle de pierres comme ceux qu'on trouve sur le mont Okabe près d'Iraty. le terme est dérivé du mot "espil", qui désigne initialement le pré entourant une maison. Dans la même famille, le mot "harpea" sert à qualifier la grotte ou la caverne (de "her, harri", la pierre et "peu", le dessous).

"Harpea" est aussi devenu un nom propre pour désigner un abri sous roche naturel qui se trouve sur les hauteurs du village d'Esterençuby, en Basse-Navarre. Un "harpetara" est donc un habitant ou un homme des cavernes.

 Enfin, le mot "harriabar" sert aussi à désigner la grêle (littéralement, "résidu de pierre"). Rien d'étonnant à cela. Toute personne qui a vécu un orage de grêle au Pays Basque, surtout au plus chaud de l'été, peut témoigner qu'un tel phénomène météo peut être très violent et faire croire "qu'il pleut des pierres".

 

Jean-Baptiste Heguy

 "Sasi“ : un buisson bien pratique (Elgar N° 608 Juillet/Août 2021)

En euskara, le mot "sasi", désigne le buisson, le fourré ou la ronce.

Selon le linguiste Michel Morvan, ce terme serait à rapprocher de l'estonien "sais" (broussaille, enchevêtrement) ou du sarde "sazu" (épine). Sur cette base, plusieurs mots basques très poétiques ont été formés.

Le chèvrefeuille se dit ainsi en basque "sasiama", littéralement, "la mère des fourrés" (de "ama", la mère). Certainement une référence au fait que le chèvrefeuille est une plante grimpante et volubile qui de développe très rapidement.

La bétoine, plante vivace et officinale, est appelée en basque, "sasibelar", c'est-à-dire "l'herbe des fourrés". Pour information, symboliquement la bétoine aurait depuis des siècles la faculté de protéger du "mauvais oeil". Plus scientifiquement, la bétonne contient de nombreux principes actifs, dont la bétaïne, très connue des fêtards pour ses propriétés digestives.

Et en euskara, le "guérisseur" est appelé "sasimediku", c'est-à-dire littéralement, "médecin des fourrés".

Plus rude mais en même temps poétique, le bâtard se dit en basque, "sasikume", littéralement "l'enfant des fourrés" (de "umea", l'enfant). Une référence directe aux nombreux accouchements qui à une époque ont dû se faire en secret, quand des naissances hors mariage survenaient. De même le maquisard est appelé en basque "sasitar", c'est-à-dire "l'habitant des fourrés".

Enfin, le mot "sasi" est aussi présent dans une expression commune: "sasitik berrora", qui signifie "de plus en plus mal, de mal en pis". Dans cette expression, "berroa" désigne "la ronce, le buisson" et exprime la situation difficile où une personne qui se sort d'une passe difficile (symboliquement les ronces, les fourrés) retombe en fait dans une situation encore plus malaisée et plus inextricable. 

 

Jean-Baptiste Heguy

 "Otsoa“ : le loup, bonne ou mauvaise réputation (Elgar N° 606 Mars/Avril 2021)

En euskara, le loup se dit "otsoa". Curieusement le nom de ce canidé, qui bien que pourchassé et traqué, occupe toujours une bonne place dans la chaîne des Pyrénées, les montagnes basques et en Hegoalde, est devenu un nom propre très respecté mais a aussi servi à former de nombreux noms communs évoquant la sauvagerie ou des plantes aux effets néfastes.

Toujours présent aussi bien en Iparralde qu'en Hegoalde, le nom propre "Otsoa" ou "Otxoa" est encore très répandu et a même traversé les mers en suivant l'émigration basque. Ainsi, le célèbre guitariste, chanteur et compositeur cubain, Eliades Ochoa, mondialement connu pour avoir participé au collectif "Buena Vista Social Club" ne peut pas cacher les origines basques de sa famille.

"Otso" ou "otsoa" est aussi utilisé dans les noms de famille comme "Otsobi" ou "Otsibar". Il apparaît aussi fréquemment dans la toponymie, comme le mont souletin "Otsogorrigagna" (1923 mètres) près de Larrau. Littéralement, son nom évoque une hauteur ou un point élevé ("gaina" en basque) et un loup rouge (de "gorria" rouge). A proximité, on trouve aussi le mont "Otsogorritchipia" (1794 mètres) qui, logiquement, est plus "petit" que son voisin ("tchipia" est la prononciation locale de "ttipia", petit).

"Otsoa" est aussi présent dans les noms des fameuses grottes pariétales d'isturitz et d'Oxocelhaya (de "otsoa", et de "zelaia", la plaine).

Le nom propre "Otsoa" est aussi resté attaché historiquement au lignage des ducs de Vasconie, depuis Loup 1er, dont la vie est très peu connue, si ce n'est qu'il est le premier duc de Vasconie (670-688).

Coté noms communs, le loup est beaucoup moins gâté. L'hellébore se dit en basque "otsobelar" (de "belarra", l'herbe). Rappelons que cette "herbe aux loups", contient sous sa forme blanche (veratrum album) plusieurs alcaloïdes toxiques susceptibles de ralentir le coeur (bradycardie) voire d'entraîner la mort. L'hellébore noir (helleborusniger, aussi connu sous le nom de "rose de Noël") est aussi très toxique est associé à la magie noire.

Plus poétique, rappelons que le mois de février se dit en basque "otsaila" (le mois des loups), peut-être en référence à une époque hivernale où les loups osaient plus sortir des forêts pour chercher de la nourriture ? Enfin, il faut se souvenir qu'en basque, le brochet se dit "urotsoa" (de "usa", l'eau). Une référence à la ténacité ou un hommage au grand prédateur ?

 

Jean-Baptiste Heguy

 "Belarra“ : l'herbe qui a tous les pouvoirs (Elgar N° 607 Mai/Juin 2021)

En euskara, le mot "herbe" se dit "belar", ou "belarra" (avec l'article).

Logiquement elle entre dans énormément de mots composés désignant une grande variété de plantes, inoffensives ou toxiques. On a déjà vu que l'hellébore était appelée en basque "otsobelar", (l'herbe des loups).

La plante appelée en euskara "belarbeltz", (littéralement "herbe noire") est une solanacée toxique, la morelle noire, de la même famille que les pommes de terre et les aubergines dont les baies noires peuvent se consommer une fois qu'elles sont arrivées à maturité.

Tous les enfants qui se sont promenés dans les champs, ont déjà ramené des boules de bardane accrochées à leurs chaussettes. En basque, la bardane se dit "pegatinbelar" (littéralement : "l'herbe qui colle").

L'armoise et l'absinthe (longtemps interdite car accusée de rendre fou sous sa forme alcoolisée), entre autres nombreuses propriétés curatives ou médicinales, sont deux plantes cousines qui sont reconnues comme des vermifuges très efficaces. Logiquement, elles sont appelées en basque d'Iparralde, "xixaribelar", c'est-à-dire littéralement "l'herbe aux vers" (de "zizari", le ver).

Plus poétique, le cigüe, extrêmement toxique, qu'il ne faut pas confondre avec l'ortie (qui est comestible et perd son pouvoir urticant, une fois sèche, hachée ou cuite) se dit en basque "otzarribedar". "Bedar" est ici une déformation de "belar" et "otzarri" est dérivé de "otz" ou "hotz" (froid) et "harri", la pierre. La ciguë est donc littéralement "l'herbe des pierres froides". Sa très mauvaise réputation, quand elle était déjà surnommée "l'herbe des décombres", remonte à la plus haute Antiquité et était le poison officiel de l'Athènes antique. C'est en buvant une décoction que Socrate, condamné, a trouvé la mort.

Avec ces herbes au pouvoir funeste, il était normal qu'au Pays Basque, on revienne à la sorcellerie. Les sorciers ou sorcières, généralement appelés "sorgin", était d'ailleurs aussi désignés sous le nom de "belagile" (de "belar", et "gile", qui fait). Les herboristes, "ceux ou celles qui faisaient les herbes", étaient donc vite assimilés à des adeptes de la magie noire, vu les conséquences néfastes qu'un mauvais dosage, volontaire ou non, pouvaient avoir...

 

Jean-Baptiste Heguy

 

Nota : il y a de nombreuses photos sur le revue Elgar